Friday, July 30, 2010

*Financement : petits arrangements entre amis à gauche...France*


CNCCFP
Structure de financement de six partis politiques français en 2008, selon la commission des comptes de campagne et des financements politiques.



Comment se finance la gauche française ? Comme pour la majorité présidentielle, objet d'une enquête précédente, les partis de l'opposition échangent entre eux des flux financiers parfois complexes. Le Monde.fr a cherché, à partir des données de 2008 – les dernières disponibles – de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), à décrypter la façon dont l'opposition gère ses finances.
  • Un  financement centré sur les cotisations
Le Parti socialiste disposait, en 2008 d'un budget total de 59 166 852 euros, soit plus que l'UMP (52 108 172 euros). Une manne qui provient avant tout des cotisations des adhérents (12 369 123 d'euros, 20,9 % du total) et des élus socialistes, qui reversent 10 % de leur rémunération (pour un total de 13 166 686 euros, soit 22,3 % du budget du parti). En regard, l'UMP ne recueille que 13 % de ses fonds par les cotisations, et préfère compter sur les dons (14,2 % de ses recettes) et l'aide de l'Etat (66,2 % des recettes, contre 38,4 % pour le PS).
La structure de financement du PC est proche de celle du PS (31 559 485 euros de recettes en 2008, dont 50,3 % grâce aux cotisations de ses élus). Le parti communiste reçoit beaucoup de dons également (14,2 %, autant que l'UMP), mais demande moins à ses adhérents. Les Verts comptent aussi beaucoup sur leurs élus (1 539 873 de cotisations, soit 29,8 % de leurs recettes totales qui sont de 5 166 761 euros).
  • Ecart de réciprocité avec le PCF
Comme l'UMP, le Parti socialiste échange de l'argent avec d'autres partis politiques, selon des accords électoraux. Le total de ses recettes en provenance d'autres partis était de 89 885 euros en 2008, dont près de la moitié provenaient du Parti communiste.
Selon la CNCCFP, le montant du transfert du PC vers le PS se montait en 2008 à 53 700 euros. Une somme qui correspond à des accords de campagne entre les deux partis dans les Bouches-du-Rhône, lors des municipales de 2008. Mais curieusement, seuls 42 400 euros apparaissent à l'actif du PS en provenance du Parti communiste. Un écart de "réciprocité" qui, selon la Commission, pourrait être dû à des méthodes de comptabilisation différente entre le PC, la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône et le siège national.
"Il s'agit d'une participation aux frais de campagne que le Parti communiste a abusivement identifiée à un don", assure-t-on au sein du PS. Les 11 300 euros débités des comptes du PC sont donc bien entrés dans les caisses de la fédération du Parti socialiste, mais en paiement de quoi ou de quels services ? "Il n'existe pas de traduction comptable", esquive-t-on, rue de Solférino. Deux ans après la campagne des municipales, le PS n'est pas en mesure de fournir une réponse. Pour sa part, la CNCCFP n'a pas pour mission de contrôler les dépenses des partis, mais de s'assurer que l'origine des ressources et que les flux entre partis sont légaux.
  • Accords électoraux et réversions
Le reste des dons au PS provient essentiellement de deux petits partis : Aimer Angers, lié au maire PS de cette ville, Jean-Claude Antonioni, avec un don de 20 050 euros. Selon Régis Juanico, trésorier du PS, cette association sert à "avoir un support spécifique pour récolter les contributions des élus de la majorité socialiste de la ville", rendu nécessaire par le fait que la majorité angevine est plus large que le PS.
Une autre association d'élus, l'Union des socialistes pour Midi-Pyrénées, a donné 24 835 euros à Solférino. "La réversion correspond aux contributions des élus PS, l'association ne sert qu'à cela et ne reçoit aucun don de personnes privées, précise Alain Fauconnier, trésorier du parti dans la région et vice-président du conseil régional. Elle nous sert à financer des campagnes locales sans devoir solliciter les instances nationales." Enfin, les Verts ont versé 2 600 euros au PS : la somme correspond à une rétrocession de financement public suite à des accord électoraux en 2008.

*Le PS finance le Parti radical de gauche

Le Parti socialiste reverse des sommes importantes aux autres partis de gauche. Et en premier lieu, au Parti radical de gauche (PRG) : 418 233 euros en 2008, soit près du quart des recettes du parti de Jean-Michel Baylet"C'est un accord électoral, lorsque nous présentons des candidats communs, les petits partis ont moins d'élus et voient leur dotation publique baisser. Il s'agit donc de compenser le manque à gagner", explique Régis Juanico, le trésorier du PS. Pour 2010, le PRG touchera ainsi 150 000 euros de Solférino.


Les socialistes donnent et reçoivent également des petites sommes de leurs partenaires traditionnels de la gauche plurielle : 3 200 euros ont été transférés au PCF. Selon Régis Juanico, "il s'agit de remboursement de frais lors de meetings donnés en communs".
Enfin, le PS finance "en vertu d'accords politiques" deux mouvements d'outre-mer, le parti tahitien Tavini huiraatira d'Oscar Temaru(40 000 euros) et le Mouvement populaire franciscain de Martinique (44 493 euros).
  • Pas de financement de clubs politiques à gauche
Contrairement à l'UMP, qui fournit des subsides parfois généreuses à l'activité de certains de ses membres, comme Edouard Balladur ou Eric Besson (le journaliste Laurent de Boissieu en fournit une liste exhaustive sur son blog), la gauche ne finance pas de "micro-parti" pour ses élus, même si ceux-ci y ont parfois recours, à l'instar de Manuel Valls.
Celui-ci a fondé fin 2009 A gauche, besoin d'optimisme, une "association de financement de parti politique" destinée à lui permettre de récolter des dons, de façon similaire à ce que font de nombreux responsables UMP. L'association a récolté peu de fonds, mais embarrasse le PS. Le député-maire d'Evry a annoncé qu'il était prêt à changer ses statuts.
Le PS tolère toutefois l'existence de Désirs d'avenir, le parti de Ségolène Royal, qui a changé de statut en 2009 pour devenir une association, ce qui lui permet de recevoir des dons sans limite – là où un particulier ne peut verser que 7 500 euros par an à un parti – mais n'ouvrent pas droit à une déduction fiscale.
  • La "boîte aux lettres" du Parti communiste
Si le PCF ne reçoit pas de dons d'autres partis, la CNCCFP constate de nombreux flux vers d'autres formations politique en 2008 : 22 246 euros vers le Mouvement républicain et citoyen deJean-Pierre Chevènement, 4 701 euros vers Mars Gauche républicaine (une formation qui depuis a rejoint le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon) et 57 267 euros au Comité des citoyens montreuillois (parti de Jean-Pierre Brard, ancien maire de Montreuil). "Le Parti communiste sert de boîte aux lettres, explique Serge Leblond, trésorier du PC. Il s'agit d'un simple accord administratif avec les élus de ces partis : ils se joignent au groupe parlementaire Gauche démocrate et républicaine à l'Assemblée nationale et le Parti communiste rétrocède la somme correspondant à leur électorat, sur lequel se base le financement public des partis."
  • Des liens entre Verts et mouvements régionalistes
Régions et peuples solidaires, qui fédère des partis régionalistes et autonomistes, doit l'essentiel de ses recettes aux contributions reçues des Verts : 108 867 euros, dont 65 120 ont été réglés par le parti écologiste. "Il s'agit d'un simple accord électoral avec quelques mouvements régionalistes, explique Mickael Marie, trésorier national des Verts : dans plusieurs circonscriptions, nous avons soutenu leurs candidats, dans d'autres, ils ont soutenu les nôtres. Naturellement, il s'accompagne d'une réversion d'une partie du financement public. Chaque année, et jusqu'à la fin de la mandature, les Verts transféreront cette somme à Régions et peuples solidaires."
Une partie de cette réversion des Verts a été transférée à des partis régionaux. En 2008, 9 250 euros ont été donnés par Régions et peuples solidaires aux nationalistes corses de Partitu di a nazione corsa, 17 750 à l'Union démocratique bretonne, 6 500 au Partit occitan et 1 159 euros à l'Unser land (parti alsacien).
Moins complexe qu'à droite, le financement de la gauche n'est donc pas exempt de flux financiers entre les partis, ni d'alliances parfois opportunistes entre formations différentes, dans un but de financement.

*Lien : http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/07/29/financement-petits-arrangements-entre-amis-a-gauche_1393104_823448.html

Samuel Laurent et Eric Nunès
Le Monde

Bien à vous,
Morgane BRAVO

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